Plateforme d'Enquêtes Militantes

« Dès le premier jour on a fonctionné en AG, on décidait de ce qu’on voulait faire, on s’est pas rangé derrière une organisation syndicale et sa stratégie. »

4 Septembre 2018Par Plateforme d'Enquêtes Militantes0 commentaire

Après sept semaines de grève en mai et juin dernier, les travailleurs des catacombes ont obtenu six embauches (plus un encadrant), l’harmonisation des salaires des ex-vacataires et une revalorisation de la prime de pénibilité de 60 à 180 euros. Cette lutte a été entièrement menée par les travailleurs du site, auto-organisés à travers des AG quotidiennes. Pendant ces sept semaines, ils ont multiplié les initiatives pour maintenir la pression sur la direction de Paris Musée, entretenir leur caisse de grève et se solidariser avec d’autres secteurs en lutte.

 

 

PEM : Comment votre lutte a débuté ? Qu’est-ce qui a fait que vous vous êtes tous mis en grève début mai ?

 

Kamel : Il y a eu pleins de petits problèmes qui s’accumulaient, on en parlait tous les jours et on s’est dit que si on voulait rester dans ce travail, c’était pas possible dans des conditions pareilles. Au niveau des effectifs, au niveau des conditions de travail on n’en pouvait plus. On s’est concerté avec les collègues et on a décidé de commencer la grève. Moi par exemple ça fait 10 ans que je bosse sur ce site, j’ai assisté à une grève mais en tant que contractuel donc j’ai pas pu la suivre, elle n’a duré qu’une journée, elle n’a pas été reconduite. Et là en tant que titulaire oui c’est la première fois.

 

Pierre : Il faut voir que c’est la première fois sur le site qu’il n’y avait que des titulaires. Ça fait des années qu’il y a des problèmes mais il y avait toujours la moitié de l’équipe qui était vacataire ou contractuelle donc pour bouger c’était compliqué, moi ça fait que deux et demi que je travaille ici. Avec toute l’équipe du soir on a été titularisé en janvier 2018 quand on a fini le stage. Pendant tout le stage on se disait « quand on va être titulaire on va bouger », donc à partir de janvier/février on était prêt. Il y avait beaucoup de problèmes au quotidien mais il y a aussi eu un travail syndical, il y a un mec de SUD qui est passé pour nous demander si on avait des trucs à dire. Ça nous a motivé, on s’est dit qu’on avait effectivement des trucs à dire alors on a fait une liste de revendications. Le mec de SUD nous a dit qu’il allait poser un préavis de grève pour forcer la direction à nous recevoir pour leur présenter nos revendications directement. Alors on a fait notre liste.

 

K : Aussi, il y avait un gros problème d’encadrement qui était défectueux, ça pesait sur le moral des agents et ça a créé une tension dans le groupe et donc on s’est dit qu’il fallait bouger. Pendant le stage de pré-titularisation, on avait la pression des managers qui nous disaient de rester tranquille, de rien revendiquer.

 

 

PEM : Comment se déroule une journée-type quand tu es travailleur au musée des Catacombes ?

 

K : On fonctionne en deux équipes, la première équipe travaille de 9h30 à 17h, et nous la deuxième équipe on prend notre service à partir de 12h30 jusqu’à 20h50.

 

P : Il y a différents postes, les gens comme Kamel sont SIAP, sécurité incendie, ils peuvent faire le PC sécurité, c’est un poste réservé aux gens qui ont ce diplôme. Sinon c’est soit à l’entrée, soit en bas, soit à la sortie. En gros à l’entrée tu fais vigipirate, réponse aux questions, accueil, gestions des litiges avec la caisse, gestion de la file d’attente, des gens alcoolisés, des gens qui doublent, tous les problèmes liés à l’accueil du public.

 

K : On est agent d’accueil et de surveillance mais dans les faits on fait beaucoup un travail d’agent de sécurité.

 

P : Avant tu faisais toute ta journée au même poste, à l’entrée, en bas ou à la sortie, mais il y a eu des analyses qui ont montré que c’était nocif de rester trop longtemps en bas, donc maintenant tu peux pas faire plus de 2h30 d’affilée en bas et pas plus de 4h30 par jour. J’ai jamais vu cette règle écrite mais en gros on fonctionne comme ça, on a un gros turnover des postes dans une même journée, c’est ça qui est différent des autres musées. Par exemple, dans une journée, je vais travailler de 12h30 à 14h à l’entrée, après je vais faire une ronde dans l’ossuaire, et enfin finir à la sortie. Tu tournes sur les différents postes. La sortie en gros c’est rester dans le courant d’air en haut des escaliers et contrôler les sacs. Quand t’es en bas, tu surveilles les ossements et tu réponds à quelques questions, comme dans un musée normal. C’est de la surveillance classique mais avec un public plus indiscipliné, vu que c’est un musée assez insolite les gens ont souvent tendance à faire des conneries.

 

 

PEM : Par ailleurs, je pense que cet aspect insolite et très connu du musée des catacombes vous a aussi attiré de la sympathie pendant votre mouvement, il y a eu beaucoup de relais médiatique et même en distribuant des tracts ça se sentait non ? Il y a aussi eu le soutien des cataphiles ?

 

P : Oui c’est  vrai, on a même eu le soutien des cataphiles, il y a eu un petit rassemblement d’une dizaine d’entre eux pour nous soutenir.

 

K : Oui, les cataphiles en quelque sorte ils connaissent les conditions de travail même s’ils y travaillent pas directement.

 

P : On savait que les catacombes c’était un peu une marque, on savait qu’une grève aux catacombes ça ferait parler, on en a joué, on a vu venir BFM TV dès le deuxième jour, France 3 est venu rapidement, on a bien vu la différence avec les postiers du 92 par exemple, qui ont galéré pour avoir une couverture médiatique. Selon moi les catacombes c’est un des seuls musées où tu as une clientèle populaire, au Petit Palais par exemple t’as une clientèle plus bourgeoise, plus intellectuelle, plus vieille. Aux catacombes t’as vraiment tout le monde qui vient, pourtant c’est pas donné, et donc c’est connu par tout le monde. Une grève au musée de la mode aurait eu moins d’impact médiatique, je pense.

 

 

PEM : Pendant la grève, quelles étaient vos relations avec les clients, les touristes ?

 

K : Parfois ça a été tendu.

 

P : Parfois oui mais ça dépend, c’est comme au quotidien, y’a des gens qui font quatre heures de queue et qui restent tranquilles et t’en as qui vont gueuler direct. En fait pendant la grève c’était pareil, t’en as qui vont mettre vingt euros dans la caisse de grève et qui te disent « bravo, continuez ! », des gens qui peuvent être syndicalistes par ailleurs.

 

K : Et qui viennent de tous les pays, on a eu des syndicalistes américains, anglais, allemands, on a même eu un syndicaliste turc.

 

P : Les mecs ils viennent ils te disent « bravo les gars, dommage pour moi mais je vous soutiens ». Ça fait plaisir, après tu as les gens qui sont indifférents, t’as les gens qui comprennent quand tu parles avec eux et t’as les connards qui t’embrouillent.

 

K : Une fois un mec a arraché la banderole, tu le retiens mais en vrai la plupart était compréhensif.

 

P : C’est aussi grâce au piquet, on était là tous les jours, on parlait aux gens, on vendait des cannettes, il y avait un contact avec le public et moi je trouve que dans l’ensemble ça s’est bien passé.

 

 

PEM : Vous avez commencé la grève avec 100% de grévistes, vous vous y attendiez ?

 

K : Non, c’était une très bonne surprise, on connaissait pas très bien tous les employés et on savait pas si tout le monde allait suivre et tout le monde a suivi, c’était fort.

 

 

PEM : Comment se passait une journée de grève-type ?

 

K : On se donnait tous rendez-vous à 8h30 au piquet de grève et on s’organisait, on essayait de faire les AG le matin, disons vers 11h, pour organiser la journée et le lendemain.

 

P : On se retrouvait plutôt au local du personnel, à 800 mètres d’ici, ce qui correspond à la sortie du musée, coté avenue René Coty. Être présent au local du personnel, ça permettait de discuter tous les jours avec les collègues, de remobiliser ceux qui pouvaient douter. Une fois qu’on avait tout le monde, on allait au piquet à l’entrée pour s’organiser et pour faire l’AG dès qu’on était tous réuni.

 

 

PEM : Vous vous connaissiez déjà bien entre vous avant la grève ?

 

K : Pour les nouveaux on a appris à bien se connaitre pendant le mois de formation avant la titularisation, en janvier dernier. Il y a eu des travaux sur le site et ils nous ont blindé de formations pendant un mois et là on a vraiment appris à se connaitre.

 

P : Après on s’est beaucoup mieux connu pendant la grève.

 

 

PEM : Quelles étaient vos revendications ?

 

K : Elles concernaient les effectifs et les conditions de travail, par exemple on avait une prime de pénibilité qui n’était pas du tout adaptée.

 

P : On demandait pas mal de choses différentes : vingt embauches, une prime pénibilité de 200 euros, une prime panier pour l’équipe du soir qui n’a pas accès à la cantine. Cette prime panier on l’a pas eu mais on s’en est servi pour augmenter la prime pénibilité dans la négociation. La prime panier est un gros problème au niveau de la Mairie de Paris, personne n’en a, donc ils voulaient pas lâcher là-dessus. Il y avait pleins d’autres revendications à côté, comme la mise en place d’un service de pressing, la transparence dans les plannings, dans les questions liées aux congés.

 

(Mohammed arrive)

Mohammed : On avait aussi des revendications par rapport à l’encadrement, c’est ce qui nous a motivé au début, c’était vraiment une catastrophe, notre responsable sur place croyait vraiment qu’on était à son service, il avait pas la conscience du service public.

 

P : C’est vrai que le responsable du site a cristallisé tous ces problèmes mais pendant la grève on a mis ça un peu de côté pour bien taper sur la direction et maintenant qu’on connait nos forces on va plus attaquer sur l’encadrement direct du site.

 

 

PEM :Et au final qu’est-ce que vous avez obtenu ?

 

P : Sur la prime on demandait 200 euros et on a obtenu 180 euros par mois, sur les embauches on a obtenu six agents supplémentaires et un encadrant de catégorie A. La direction a bien compris que l’encadrement posait problème donc pour arrondir les angles, anticiper les conflits et avoir une meilleure gestion du site ils nous ont ramené un catégorie A qui sera au-dessus du responsable actuel qui est catégorie B. C’est une manière de reprendre en main le site. Pour nous c’est à double-tranchant, le nouveau responsable sera sans doute plus à l’écoute sur le quotidien ou les congés mais d’un autre côté comme par hasard quand il y a un site qui fait grève on te rajoute un chef. C’est une façon de mieux nous contrôler à l’avenir et de tuer dans l’œuf ce genre de mouvement.

 

K : Vu le management catastrophique du précédent ça risquait de péter encore s’il restait là et ils l’ont bien compris. Le catégorie B ne veut rien changer dans ses manières de faire, au final il est resté mais ils ont ramené quelqu’un en plus.

 

P : Je pense que tant qu’il faut continuer à mettre une pression quotidienne sinon on va se retrouver dans les problèmes, que ce soit un catégorie A ou B qui nous encadre.

 

K : De toute façon la seule qui les intéresse c’est le pognon. Par exemple le volet sécurité ils s’en foutent complètement, ils ont essayé d’ouvrir le site avec très peu d’agents pour casser la grève. En plus notre responsable demandait aux agents de faire plus de tâches, comme par exemple de ramasser les ordures laissées par les touristes, alors que normalement il y a un prestataire privé qui s’en occupe.

 

M : Voilà, au lieu de réclamer qu’on ait des embauches, le responsable demande aux agents d’en faire toujours plus. On est des agents d’accueil et de surveillance, pas de ménage. Notre responsable veut toujours montrer à Paris Musée qu’il fait des économies en nous mettant la pression.

 

K : Pendant l’année de stage c’était aussi un moyen de pression sur nous, genre si vous

 voulez pas faire le ménage, ça va être compliqué de vous embaucher.

 

M : La principale revendication c’était pour avoir des embauches parce que c’est très compliqué de poser un jour de congé, par exemple un samedi c’est impossible.

 

 

PEM : Vous considérez ce que vous avez obtenu à la fin du conflit comme une victoire ?

 

M : Au final c’est plus que ce que j’espérais, mais on a été très déterminé. Pendant les négociations, ils nous ont méprisés, ils nous parlaient comme à des gamins.

 

K : A la première négociation on discute et à la fin ils nous disent « on vous donne une réponse dans un mois », ça nous a énervé encore plus.

 

P : Il faut remettre ça dans un contexte plus général, depuis qu’il y a Paris Musée en 2012, ils ont multiplié les attaques sur les conditions de travail, sur les plannings par exemple, et au final il n’y a jamais eu de réaction sérieuse. Les syndicats font une journée de grève, ensuite la direction vient et fait genre qu’elle a pris conscience des problèmes et après rien ne change. Et ça tous syndicats confondus. En fait c’étaient des journées de grève qui servaient plus à gérer les élections professionnelles mais ça changeait rien au final pour les agents.

 

 

PEM :Tu parles de gens qui étaient syndiqués parmi vous ?

 

P : Non, la particularité aux catacombes, et je crois que c’est ce qui a permis de construire un collectif fort et auto-organisé entre nous, c’est qu’il n’y avait pas de militants syndicaux. C’était pas un désert syndical complet, il y avait des adhérents, mais seulement adhérents, pas très militants. Les syndicalistes on les voyait très rarement et au final on a pu faire notre truc. On regardait ce qui nous intéressait et on le faisait, comme si on avait créé notre propre syndicat sur place. Au début la direction nous a traité comme d’habitude, genre « ne vous inquiétez pas il va bientôt y avoir des changements, en juin, en octobre ». Mais nous on a maintenu la pression, contrairement aux syndicats on s’est pas dit « OK ça nous suffit » et on les a forcés à nous faire des vrais propositions.

 

 

PEM : Vous aviez quand même un soutien de certains syndicats ?

 

P : Oui, on avait un soutien formel de SUD et de la CGT. Le mec de SUD dont j’ai déjà parlé nous a bien conseillé au début, en nous disant de poser un préavis de grève pour forcer la direction à discuter, quelle que soit notre décision ensuite de faire grève ou pas. Et la CGT Paris Musée nous a soutenus. Ces deux sections nous ont réellement soutenus mais de notre côté, dès le premier jour on a fonctionné en AG, on décidait de ce qu’on voulait faire et ces syndicats nous soutenaient mais ça partait de nous. On s’est pas rangé derrière une organisation syndicale et sa stratégie.

 

M : On a pris les choses en main, dès la première négociation, il y a un syndicat qui nous a clairement dit qu’il fallait arrêter la grève. On l’a recadré tout de suite, on lui a dit qu’on arrêterait pas la grève sans avoir rien obtenu. Le mouvement est vraiment venu des agents plus que d’autre chose.

 

P : Au deuxième jour de grève, un membre de la CGT et de SUD nous ont conseillés d’arrêter la grève parce qu’on allait « taper dans le dur », c’était leurs termes. En même temps je les comprends ils n’ont jamais vécu de conflits, ils sont habitués à un truc plan-plan où tu viens, tu montres tes muscles et tu perds à chaque fois.

 

 

PEM : Comment vous avez géré l’argent, puisque chaque jour de grève était perdu au niveau du salaire, vous aviez une caisse de grève ?

 

P : Il y a eu plusieurs initiatives, déjà on avait une caisse de grève sur place, avec ventes de cannettes. On a aussi fait une caisse de grève dans les manifs, notamment à la manif « Marée populaire » du 26 mai, on a eu 400 euros dans cette manif par exemple. Après il y a eu des dons en ligne avec le pot commun, des soirées de soutien et la caisse de grève interprofessionnelle nous a donné de l’argent fin mai. Il nous reste des dons à recevoir mais pour l’instant on part sur une indemnisation de 80%. Pour une grève auto-organisée d’un mois et demi c’est pas mal. On a oublié de dire que dans nos revendications on voulait une harmonisation par le haut des salaires entre les ex-vacataires et les ex-contractuels titularisés et on l’a obtenu, donc Momo par exemple ça lui fait 200 euros nets de plus par mois, c’est énorme.

 

M : En un ou deux mois on va récupérer ce qu’on a perdu pendant la grève mais c’est parce qu’on a vraiment beaucoup bossé sur la caisse de grève. On était bien organisé et présent tous les jours sur le piquet de grève. On a considéré la grève comme un boulot, la grève c’est très fatigant, très stressant. On a passé un mois et demi à mobiliser tout le monde, il y avait aussi des différences entre l’équipe du matin et l’équipe du soir, dans l’équipe du matin, c’est beaucoup des anciens et ils n’ont pas forcément la culture de la grève, ça leur faisait peur, il fallait les remotiver tout le temps et on était là tous les matins à 8h30. Il y en a quand même un qui a abandonné, ça lui faisait peur. Même pour nous c’était dur, on craquait à la fin, à force de venir et de s’organiser tous les jours.

 

P : Je pense que le point décisif, c’est qu’on soit venu tous les matins à 8h30. La grève c’est pas genre ton service commence à 12h30 donc t’arrives à 12h30 et tu fais grève, non ça marche pas comme ça. Il faut être là à 8h30 tous les jours parce qu’il y a des gens à mobiliser, des communiqués à écrire, t’as une démonstration de force à faire vis-à-vis de la direction. Si on n’était pas venu tous les matins, c’est sûr que certains auraient repris le travail.

 

PEM : Ça permet de mobiliser aussi plus facilement les soutiens, d’ailleurs vous avez eu qui comme soutiens, en dehors des syndicats ?

 

K : On a créé un compte Facebook et on a reçu pleins de messages de soutiens.

 

P : Comme secteurs en lutte on a eu les postiers du 92, on a organisé des soirées de soutien ensemble, on a eu le soutien des EJE (éducateur-trice de jeunes enfants) de la Société philanthropique du 13ème. Elles se sont mises en grève cinq ou six jours après nous, elles sont passées sur le piquet plusieurs fois, nous aussi on est allé les soutenir. Les cheminots sont passés une fois pendant une négociation qui avait lieu pas loin d’ici, nous on est allé à l’AG intergare.

 

M : On a eu aussi beaucoup de soutiens d’assos et de militants du 14ème, de gauche et d’extrême-gauche. Ils ont fait des collectes dans le quartier et ils ont mis la pression sur le conseil municipal du 14ème pour qu’ils nous soutiennent. L’objectif était de faire pression sur Julliard et de l’obliger à négocier.

 

P : A mon avis, plus que les déclarations de la mairie du 14ème, la pression était surtout médiatique. Et le tournant c’est quand on a intensifié la grève à partir du 20/25 mai, au début on faisait pas grève les mardis et les dimanches, pour des questions de prime. Ensuite le mardi 22 mai il y a eu une journée d’action des fonctionnaires et on s’est mis en grève ce jour-là, ça prouvait qu’on pouvait faire grève un mardi. Le dimanche suivant on s’est remis en grève et pareil les mardi et dimanche de la semaine d’après. Le musée était complètement bloqué, l’argent ne rentrait plus du tout et on leur a montré qu’on était prêt à risquer tout notre salaire, ça a montré notre détermination. Le deuxième truc qui les a fait céder, je pense que c’est la pression médiatique, on s’est beaucoup exprimé et ils n’ont jamais répondu, à part vite fait dans Le Parisien. En plus, peut-être qu’il y a eu des pressions politiques de la Mairie de Paris sur Paris Musée pour qu’ils règlent ce conflit qui, au bout d’un certain temps, nuisait à la bonne image du Paris touristique. Le plus dur pour nous, ça a été après la négociation du 24 mai, où la direction voulait pas bouger et de notre côté certains commençaient à douter.

 

K : Il faut voir qu’on allait à toutes les négociations ensemble et on attendait dehors que les délégués ressortent, et sur cette négociation on a d’abord pensé qu’on avait rien obtenu.

 

P : Ensuite en AG on a décidé de réduire notre revendication sur les effectifs, de passer de 20 à 10 embauches demandées, mais on a pas bougé sur les salaires. Au final je pense que cette négociation du 24 mai a été importante puisqu’à la suivante, le 5 juin, tout s’est débloqué.

 

 

PEM : Et vous aussi vous êtes allés soutenir d’autres secteurs en lutte ?

 

P : Oui, on a fait plusieurs manifs interpros, comme le 22 mai ou le 7 juin. C’était important de montrer à la direction qu’on est pas isolé, qu’on a des liens et qu’on a les moyens de faire des actions d’envergure. Ça joue aussi sur notre moral de voir d’autres gens en grève, en lutte, ça donne une force et on voit qu’on est pas tout seul.

 

K : Par exemple, la victoire des filles des EJE, c’était super encourageant pour nous. Elles luttaient pour être payées comme les assistantes qui ont une autre diplôme, j’ai oublié comment ça s’appelle, et elles ont gagné en luttant pour le nivellement par le haut des salaires, en faisant grève tous les jours.

 

M : Aller en manif, ça me rechargeait les batteries, c’est important. On a fait plusieurs piquets devant la direction de Paris Musée à Strasbourg-Saint-Denis et devant la Mairie de Paris et ils n’aimaient pas qu’on les affiche devant chez eux.

 

P : On est allé plusieurs fois à l’AG intergare des cheminots et je me souviens, les syndicalistes cheminots parlaient beaucoup de comment motiver leurs collègues. On s’en est resservi entre nous. On se disait que c’était normal de devoir motiver les collègues tous les jours, que même les cheminots, qui subissent une attaque historique, devaient le faire. C’est ça la grève, 80% de la grève c’est se motiver entre nous, rester soudés. Le fait d’être allé à leur AG on s’est dit qu’on était pas si mal, qu’on était sur la bonne voie, qu’il fallait continuer.

 

 

PEM : En plus c’est Bruno Julliard le responsable de Paris Musée, lui qui était le chef de l’Unef pendant le CPE en 2006, et le voir maintenant être du côté de la direction et contre les grévistes ça montre bien ce que deviennent ces petits chefs qui se font connaitre pendant les mouvements étudiants avant de passer du côté du pouvoir.

 

M : Quand on l’a rencontré, on lui a dit « avant vous étiez syndicalistes et là vous êtes du côté de la direction intransigeante », il nous a répondu « oui, je vous comprends » ou des conneries comme ça.

 

P : En plus la fin de son mandat à l’Unef c’est la LRU, il signe un protocole avec le gouvernement pour mettre fin au conflit dans les facs et dans la foulée il se présente pour le PS, c’est son dernier fait d’arme de syndicaliste.

 

 

PEM : Aujourd’hui vous sentez que ce mouvement a changé des choses sur le quotidien au travail ?

 

K : Oui, l’équipe du matin et du soir ont été ressoudées c’est sûr. Avant on avait tendance à faire une séparation, d’un côté l’équipe du matin, de l’autre celle du soir.

 

M : Même vis-à-vis des chefs le rapport de force a changé. Le responsable du site ne nous regarde même plus, il a même du mal à nous dire « bonjour ». Ça l’a pas empêché de sortir un tract avec son syndicat de merde, la CFDT, pour crier victoire mais son syndicat a jamais soutenu notre mouvement. Maintenant il essaie de le récupérer.

 

P : Il a essayé à plusieurs moments de récupérer la grève. Au début quand on a fait circuler nos revendications, il a sorti un tract au nom de la CFDT qui évoquait plusieurs revendications, mais on l’a pas calculé. Et après la fin du conflit, il a ressorti un tract qui disait victoire alors qu’il était contre nous pendant le mouvement. On va sortir un communiqué pour se foutre de leur gueule. Il y a un autre syndicat qui a clairement essayé de casser la grève, c’est l’Unsa. Ils sont venus nous voir le jour avant la grève pour nous dire qu’ils étaient d’accord avec nous mais qu’il fallait mieux attendre quinze jours pour faire grève ensemble. On a dit que non parce que notre préavis était pour le lendemain. L’Unsa refusait de soutenir ce préavis parce qu’il était posé par SUD. Ensuite quand ils ont vu qu’on était parti en grève, ils ont négocié parallèlement une réunion avec la direction mi-mai et quand ils ont obtenu juste une date de réunion ils ont appelé à la fin du conflit en disant que tout allait se régler mais qu’il fallait surtout arrêter la grève. Ils sont passés sur le site pour nous dire qu’il fallait reprendre le travail et que suivre la CGT et SUD c’était aller vers l’échec de manière assurée. On s’est embrouillé avec eux, ça a sérieusement failli partir en vrille.

 

 

PEM : En plus au final vous avez obtenu plein de choses, ça montre que s’en remettre uniquement à ces stratégies syndicales ne fonctionne pas forcément et qu’être déterminé à la base ça marche aussi.

 

M : Moi je savais qu’on allait gagner mais la question c’était de savoir si l’équipe allait tenir, à la fin on sentait que certains doutaient, c’est plus ça qui me faisait peur que la bataille en soi. Dès les premières propositions de la direction je considérais qu’on était déjà gagnant.

 

P : Si tu tiens ta grève tu sais qu’à un moment ils vont devoir céder, la question c’est de trouver le moyen de maintenir les gens mobilisés sur un temps suffisant.

 

K : En plus on leur mettait une vraie pression financière, ils perdaient beaucoup d’argent avec ce site fermé, ils ont commencé à avoir peur que ça déborde sur juillet et août et là ils devenaient vraiment perdants.

 

M : Maintenant, depuis qu’on a repris ils nous envoient le double de groupes par jour par rapport à avant, ils sont malins, ils veulent vite récupérer leur pognon.

 

P : Et bien moi je propose qu’on augmente pas les cadences pour faire rentrer les groupes, un par quart d’heure, pas plus, on se met pas la pression c’est tout !

 

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